La braguette de sa majesté
J&L le détail qui tue
Nous vous proposons ce mois-ci le portrait en pied d’Henri VIII, Tudors le plus célèbre des rois d’Outre-Manche. Donnant vie à la légende de Barbe bleue, ce souverain est plus connu pour ses affaires de cœur que pour ses actes de gouvernement. Ce tableau présente un Henri VIII fier et imposant voire redoutable. Peint à un âge déjà avancé, il apparaît pourtant tel un jeune homme le torse bombé, le mollet bien galbé et la braguette anormalement gonflée !
Aujourd’hui plus personne ne remarque cette petite chose présente sur tous nos pantalons : la braguette ; un élément commun et d’apparence sans intérêt, mais qui a vécu une folle odyssée.
Henri VIII roi d’Angleterre, d’Irlande et de France, Atelier d’Hans Holbein le Jeune, 1537-1547, Walker art gallery, Liverpool
Tout commence dans les dernières années du XIVe siècle alors que le costume masculin est en pleine révolution en Europe Occidentale. La tunique longue ou robe est jusqu’alors l’habit commun aux deux sexes. La robe masculine est d’abord fendue pour laisser apprécier les jambes couvertes de chausses, puis devient inutile après la création des hauts-de-chausses. Ce dernier élément maintient en place ces sortes de « chaussettes » tel un porte-jarretelle. Le vêtement ainsi assemblé forme une sorte de culotte bouffante laissant respirer la virilité de son porteur. De ce fait, une dernière pièce triangulaire est ajoutée pour couvrir ce débordement masculin : la braguette. Ces trois pièces, chausses, hauts-de-chausses, et braguette, sont amovibles et fixées à l’aide de lacets.
La nouvelle mode est alors au vêtement près du corps, et les messieurs ne tardent pas à vouloir attirer l’attention sur leur masculinité. Les braguettes sont gonflées à l’aide de laines ou d’une coque de métal, puis ornées de perles et broderies. Certains se servent même de leur braguette comme d’une poche : monnaie, gants, lettres, fruits laissés à mûrir ou encore viande séchée côtoient les bijoux personnels du propriétaire.
Les braguettes dégonflent à partir de 1580 alors que la mode s’essouffle. L’usage des braguettes disparait totalement à partir du XVIIe siècle. On leur préfère alors l’usage du pont : une boutonnière sur les deux côtés créant un rabat de tissu sur le devant du vêtement.
Comme en témoigne ce portrait, nul n’a eu son pareil dans le rembourrage de braguettes qu’Henri VIII, qui fièrement posa toute sa vie la braguette en avant.
J&T